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J'ai rompu

9 janvier, 1958

Aujourd'hui j’ai rompu avec Simon.

Je le crois, au moins. Et c'est possible, que jamais plus, je ne parlerai plus avec lui, je ne le verrai jamais plus. Son sort m’intéressera toujours. Je l'aime, malgré tout. Au moins, l’être humain.

Mes parents sont en train de se quereller.

J’ai mal à la tête.

Bien sûr, tout s'est passé ‘sans vagues’. Je m’en doutais : Simon est très fier, je savais qu’il se comporterait ainsi. Il savait depuis longtemps, même s'il ne le voulait pas, que ça finirait ainsi entre nous. Depuis trop longtemps, ça allait mal entre nous. Il ne reviendra pas, ne m’appellera pas. Du moins je le crois. Je l'ai fait avec beaucoup difficulté, je me suis décidée péniblement, je l’ai prononcé presque malgré moi, mais je crois qu'il le fallait. Je crois que j'ai bien fait.

Je suis restée seule. Je lui ai dit aussi que je ne veux pas rencontrer ses copains, non plus. Je ne verrai pas même ceux d’entre eux que je voudrais. Tout est fini. Une partie de ma vie fermée. Je dois commencer à m'occuper de choses essentielles, me mettre à étudier sérieusement. c’est le plus important pour le moment. Suspendre toutes les distractions pour six mois. J'espère, d’ici là, j’aurai réussi à finir mes études universitaires. Peut-être aussi, que je pourrais recommencer, ailleurs… Soupir… Bonne nuit !

12 jan. 1958

En réalité je me sens soulagée. Je suis plus tranquille et j'ai un sentiment de liberté. Comme si je flottais en l’air ! Depuis longtemps, je ne me suis sentie ainsi et c'est merveilleux. C'est bon d’être seul et indépendante. Je me sens plus sûre de moi Comme si j'étais redevenue moi-même. Mais plus complète, davantage qu’avant. De nouveau, je suis contente de moi. Depuis deux jours, je me suis remise à étudier et je continuerai.

Je dois quand même avoir plus de tact, apprendre à mentir quand il le faut. Par exemple aujourd’hui j'aurais dû dire à papa, qu’il a fait dans le passé tout ce qu'il m'avait promis. À la place, j'ai hésité. (C'est moche qu'il faille user de ruse même avec ses propres parents.)

18 janvier 1958

Alina a eu raison, cette fois. Il faudrait l’écouter, surtout, dans de petites affaires. Simon essaie de me faire des caprices, de ne pas m’appeler jusqu’à 19 h, au sujet du billet de cinéma. Par chance, Marie m'a appelée et nous sommes allées voir le même film. Ensuite, jusqu'à deux heures du matin, elle m'a lu des lettres.

C'est intéressant, tous, au moins pas mal de gens, deviennent mes amis (ou seulement alors) quand ils ressentent le besoin de se confesser, parler, de demander conseil ou quand ils ont besoin de consolation. En fait, il n'y a rien de curieux, parce que je sais compatir, j’essaie de les consoler, les problèmes des autres et leurs aventures et leurs amours m’intéressent toujours.

J'ai toujours aimé écouter des histoires et les vraies encore plus, j’essaie de les aider de toutes mes forces et avec plaisir, conseils ou autres choses ou tout ce qui est en mon pouvoir. C'est vrai, surtout jusqu’à ce que cela ne me pèse pas trop, mais qui d’entre nous n'est pas égoïste au bout du compte. C’est arrivé avec Édith quand ils ont relâché sa mère et qu’Édith ne voulait plus habiter avec elle ; avec Eugène quand il voulait quitter Marie et aussi quand il pleurait après Édith ; avec Alina, quand Vasiliu lui faisait des caprices avant leur mariage ; et avec Simon, quand on a condamné son père, donc ce n’est pas nouveau pour moi.

Maintenant, je voudrais aider Marie et tout essayer, la conseiller efficacement. D’abord, bien réfléchir. Tant que je peux avec ma propre tête, ensuite s’il le faut demander conseil aux autres.

Marie est une fille (femme) bien et je la comprends. C'est vrai, qu'elle n'est pas assez intelligente et elle ne trouve que faire, il faudra donc la conseiller. Je ne connais George jusqu’à maintenant que d’après des ‘on dit’ mais il me plaisait. En voyant sa photo, il ne m'a pas plu d’abord, mais à partir de ses lettres et de ce que Marie m'a raconté, (surtout la façon qu’il écrit) je suis presque tombée amoureuse de lui. Il est sincère - presque jusqu'à la méchanceté, il est intelligent, profond et réfléchi, il est cultivé, mais la vie lui a aussi beaucoup appris, l’a souvent frappé.

C’est une des raisons pour lesquelles il ‘hésite’, il veut attendre, réfléchir à ne pas se faire mal une deuxième fois. Mais il est bon. Il a un bon fond. Et il aime Marie, l’estime comme être humain, l’adore comme amante, que faut-il encore ? Je crois que Marie lui a fait peur avec son amour débordant et exprimé si ouvertement. Quand elle aime, elle aime beaucoup et peut fatiguer, peser, surtout dans l’état où il est, après avoir dû partager avec son ex, tout qu’ils avaient eu. C’est pourquoi il lui a écrit cette réponse. Il a pris peur, comme un jeune garçon de 23 ans qui ne veut pas encore se marier.

D'après ce que je sais, le remède pourrait être que la femme fasse semblant de « ne plus vouloir. » Mais il faudra bien réfléchir aux étapes tactiques. Je voudrais tant les aider ! Même s'ils ne reconnaissent pas plus tard qu'ils me doivent quelque chose (j’ai appris depuis longtemps à ne jamais attendre de la reconnaissance.) Je voudrais tellement que cet amour réussisse, qu'ils se marient, qu’ils soient heureux ! Au moins un certain temps, au moins comme la plupart des couples.

J'espère qu’un jour je trouverai moi aussi un garçon comme la sienne. Il a de l’humour. Il aime son métier. Il aime la vie, les excursions, la musique, il sait vivre et ce qui est le plus rare encore, même réfléchir. C'est possible, que je paraisse insignifiante à un homme comme lui - mais peut-être pas. Je vaux quand même quelque chose. J'ai moi aussi quelques bons côtés.

Elle m'a demandé : « N'as-tu pas peur de rentrer à la maison au milieu de la nuit ? »

J'ai répondu : « Oui, j'ai peur. Mais les courageux passent au-dessus de ses craintes. »

En réalité, pendant tout le chemin de retour, j'ai réfléchi à ce que j’avais entendu et je n'ai pas eu le temps d'avoir peur.
Je dois dormir, au revoir Julie !

26 janvier 1958

Aujourd’hui, j'ai mis définitivement un point (une croix) après le nom de Simon. Dorénavant, je ne veux plus le voir, je ne penserai plus à lui, je n’écrirai plus à son sujet. Comme on dit, « j'ai retiré ma main de lui. » Notre connexion a duré jusque là. C’est fini : ici un gros point!

Demain j’irai voir mon prof de thèse, avec des questions et je me mettrai à étudier sérieusement. Le matin, j’appellerai Eugène, lui demander de trouver des billets pour le ballet sur glace; ensuite Alina, savoir comment s’était passée sa première journée de travail.

Quelque chose en moi est assez vide. ‘Tabula rasa’. Mais de nouvelles choses arriveront.

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