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Je lui ai dit

19 Sept. 1957

Simon dit qu'il m'aime beaucoup, vraiment. Je sais, je le sentais depuis mon retour. Pas par ce qu'il dit, mais par ce qu'il ne dit pas. Il n'ose plus me presser, et il ne pense plus à me demander davantage. Il n'ose plus. Moi si. Et pour la première fois, il pense sérieusement à se marier avec moi. Hélas, je me suis tout à fait éloignée. Je suis froide comme une glace.

Ça m'énerve malgré tout quand il commence à me parler de ses maîtresses (indirectement), quand il est fâché contre moi, tant pis. Je l'aime bien comme un copain, mais déjà pas beaucoup plus qu’Eugène. Simon a l'avantage de m'aimer et me le dire, je suis donc gentille avec lui et je lui permets de m'embrasser, mais je ne sens plus rien , absolument rien pendant ses baisers. Au contraire. Je ne le laisserai plus m’étreindre.

20 septembre 1957, Bucarest

Aujourd’hui je le lui ai dit. Il a bien réagi et a proposé qu'on ne se rencontre plus pendant quelques jours, un certain temps. Je l'aurais voulu, moi aussi, mais j’ai eu de la peine pour lui. Je n'ai pas osé. Que faire ?

Est-ce de ma faute s'il me laisse d’un coup tout à fait froide ! Je commence même à sentir une répulsion. En même temps, j'ai des regrets (pitié ?) Et puis, je n'ai personne d'autre. C'est difficile de savoir que faire. Mais... Je dois en parler avec Alina.

Je savais que ce serait moi qui en aurais assez la première, mais je croyais que ça serait facile pour moi. C'est vrai, je ne « souffre » pas, mais c'est pénible. J’ai honte. En réalité, je lui ai menti ce soir : en ne lui disant rien. Si, je lui avais dit. Mais alors, pourquoi l'ai-je rappelé au téléphone ?

Je suis provocante, torturante, méchante. Et je n’ai pas la conscience tranquille. Je suis une mauvaise fille. Bert a été accablé, Bandi est torturé, Simon va l'être aussi, probablement. Et moi, pas. C'est vrai, j'ai eu de la peine, moi aussi, à cause de G. et de Moïse, mais pas trop, c'est passé assez facilement. De toute façon, je ne les connaissais pas, c'étaient seulement des béguins de jeunesse.

Ne deviendrais-je jamais vraiment amoureuse ? (mais sans souffrir.)

J'espère que l’amour réciproque existe. Même si la triste vérité est (il paraît) que l’un aime toujours davantage que l'autre.

Je viens de voir une bonne pièce de théâtre, comme un morceau de vie. Je voudrais déjà connaître mon mari ! J'espère, que ses baisers ne me laisseront jamais froide. Je l'espère, beaucoup, en craignant.
Eh bien, bonne nuit !

22 septembre 1957, Bucarest

Simon voudrait (inconsciemment ?) me fâcher avec Édith et ne plus voir Alina, mais il n’arrivera pas à ses fins. On m'a toujours dit que l'amitié féminine n’était pas durable, que les femmes se brouillent à cause des hommes. Je ne l'ai pas cru jusqu’à maintenant. J'ai presque eu des problèmes avec Alina à cause de son mari et d’Eugène (qui lui avait fait la cour un peu, avant), mais nous avons été plus intelligentes, nous nous aimons et nous sommes passées à travers. Je n’étais pas fâchée contre Édith à cause d'Eugène (je n'avais réellement pas de quoi) et je ne vais pas m’affliger à cause de Simon non plus (même s'il y aurait de quoi). Simon ne vaut pas que je rompe avec une amie. Et aucun des garçons, non plus.

On a si peu d'amis, il ne faut pas en attendre trop, de chacun seulement ce qu'on peut. Je reçois beaucoup dans l’amitié avec Édith, je me sens bien avec elle, je peux lui lire des poèmes, on a des goûts communs dans des tas de domaines... Simplement, je ne dois pas la mettre en présence des garçons qui me font la cour, au moins pas avant qu'ils ne m’intéressent plus. Quand on est côte à côte, c'est mauvais pour moi, parce qu'Edith ne peut pas se comporter autrement, tenir compte de moi et ne pas flirter avec tous. « J'en tire la conséquence » comme disait maman dans son adolescence, mais ne romprai pas avec elle, je ne vais pas me refroidir. Je savais toujours qu'elle était égoïste.

Marthe, mon amie de Kolozsvàr, a un petit garçon. Le premier bébé de mes amies ! Que j'étais ravie qu’elle m'ait laissée bercer son fils, le tenir dans mes bras et même le sortir dans le jardin.
Aujourd’hui, je suis encore plus heureuse, parce qu'Alina est enceinte et le laisse cette fois-ci. Elle aura son bébé en Mai, je l'attends avec impatience. Il sera comme mon premier enfant.

27 septembre 1957
Hier soir j'ai appris quelque chose : aie des prétentions, alors tu peux tout obtenir d'un homme. Même s’il ose rouspéter au début, ensuite il s'habitue. Je devrai m’y tenir.

4 oct. 1957
Je l'aime de nouveau. Il me plaît. Et je l'estime plus qu’avant. Je le plains.
Mais malgré cela, je ne vais pas devenir sienne. Pas question. Aujourd’hui Simon m’a manqué énormément. Et bien sûr, juste aujourd’hui, il ne viendra pas. Qui sait ? Peut-être, Eugène passera. R. est passé pour prendre les disques qu’il m’avait prêtés.

Sandou aurait voulu venir me voir, mais j'aurais préféré être avec Simon. J'ai déjà oublié ce que je me suis promis : ne rien décider d'avance avec lui. Il faut que je le tienne. Aujourd’hui j'aurais dû sortir avec Sandou. Au lieu de sortir avec lui, j'attends à la maison, bêtement, Simon.
Je préfère attendre avec désir que de me sentir étrangère à lui. Maintenant il m'est cher. J'ai réarrangé ma chambre. Elle me paraît mieux, plus agréable.
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Il vient m’appeler, il arrive.

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