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Simon, encore

17 Juillet 1957

Finalement j'étais contrariée, surtout par amour propre. Le lendemain, quand il est revenu, je lui ai dit que j’étais fâchée et que cela durerait longtemps. Il s'est levé et il est reparti. J'étais un peu vexée. C'était le samedi.

Lundi, il m'a téléphoné. Nous sommes allés au cinéma et je lui ai dit d'être plus attentif, plus prévenant. Il a essayé d’être hautain, mais cela n'a pas marché.

Mardi, j'ai raté l'examen. J'étais déprimée. Simon l’a bien réussi. Ensuite Eugène est passé et Simon l'a trouvé chez moi. J’ai lui ai dit que j'ai besoin de me distraire nous sommes allés voir une bonne pièce de théâtre. J’étais bien habillée, la pièce était très bonne. J'étais de bonne humeur, j'ai flirté, j'ai ri, je l'ai charrié, et - de nouveau il est fou de moi. Probablement c'est ça qu'il leur faut. Ce matin il s'est de nouveau manifesté. De nouveau il m’a dit qu'il m'aimait (même s'il ne l'a pas exprimé ainsi mot à mot), je n’ai pas répondu, je lui ai même dit “je ne te crois pas”. Et ça c'est la vérité. Chez lui, c'est une question d'amour propre. C'est sûr je lui plais. De temps en temps.

J’apprends énormément sur les hommes par les poèmes de Paul Géraldy, Âmes, Modes. Ils sont vraiment des salauds... et ne méritent pas qu'on soit gentil avec eux. Plus on leur résiste, moins ils se sentent sûrs d’eux, et plus nous leur plaisons.


Tu ne serais pas une femme
si tu ne savais si bien
te faire et te refaire une âme,
une âme neuve avec un rien.
Te composer un parfum d’âme
que je ne te connaissais pas.
Alors, amoureux,
je saccage de baisers nerveux,
je ris, je suis heureux - je t’aime
Mais quand j’ai défait les chiffons
et trouvé tes vrais yeux au fond,
je vois bien que ce sont les mêmes!
C’est fini. Le charme est brisé
et tu ressembles à ta mère.
J'espère que j'aimerai toujours mon mari un peu moins que lui ne m’aimera. Je ne veux pas, je ne vais pas souffrir comme maman ! À la première infidélité, je le tromperai à mon tour. Et si ça ne marche pas, je le quitterai. Je ne dirai pas “fini, je ne pourrais jamais plus te pardonner” et après trois à dix jours tout recommencer. De nouvelles souffrances et tortures encore et de nouveau[1][4]. Non, mieux vaut alors vivre séparément, seule. Ou avec des partenaires occasionnels.

Quand je voudrai m'enflammer, vais-je me dégeler ? Quand je ne me retiendrai plus, volontairement ou involontairement, pourrai-je fondre complètement ? Je suis redevenue froide. Je ne comprends pas pourquoi on dit que le baiser est bon. Je le désirais, et bien sûr l'homme est ainsi : quand il reçoit ce dont il avait envie, cela ne lui plaît plus. Nous sommes infects.

Le poème de Becher “Moi aussi j'ai cru” est toujours ma bible. Qu'ils sont vrais les poèmes du cycle “Toi et Moi” de Géraldy !

Que me mettre aujourd'hui ? Il faudrait absolument être de bonne humeur et exubérante ! Oui, je lui montrerai ! Jusqu’à maintenant j'ai laissé tout arriver naturellement. Je n'ai pas calculé d'avance la journée d'hier non plus, mais en réalité, Alina me l'avait suggéré et, pendant notre rendez-vous, je me suis rappelé un tout petit peu de ses conseils. Aujourd'hui quelqu’un m'a téléphoné deux fois déjà et ensuite a raccroché. Qui ça pouvait être ?

18 Juillet 1957
Je suis en réalité méchante, et souvent pas assez délicate, au contraire. J'ai des remords au sujet de maman, elle est si bonne et moi… Je devrais être beaucoup, beaucoup plus gentille avec elle. Je devrais lui apporter beaucoup plus de joie. Même avec Simon je ne me suis pas comportée comme il faut.

Je lui ai dit que je n'aimais pas son pantalon (très sale) et pourtant je savais qu'il n'en a que trois. Il lutte avec ses problèmes d'argent et j'ai décidé de ne plus m'en soucier. En plus, je lui ai dit plein de vérités désagréables. C'est vrai qu'il m'a dit, lui aussi, quelque chose qui m'a fait énormément de peine. Bien sûr il ne l'a pas dit pour me heurter. En bref ce qu’il a dit signifiait ceci : il a confiance en moi et s’intéresse à moi plus qu’à Massa, bien qu’elle soit plus belle que moi, parce que je suis telle que je suis. Si je n'étais pas "différente" des autres, il ne m'aurait même pas regardée (parce ce que je suis laide, pas belle.) Ça me fait très mal. C'est vrai, je suis méchante, moi aussi. Il est possible que je lui aie dit moi aussi des choses qui l'ont blessé, bien sans faire exprès.

J'ai appris quelque chose hier. L’importance de « l'atmosphère ». Un petit lampadaire, demi-ombre, un dîner à deux. Quelques égards (le placer le dos à la lampe, car il avait mal aux yeux). Curieux, il m'a paru beau hier, peut-être pour la première fois. Il m’est devenu plus proche. Que ce soit vrai ou non, tout ce qu'il m’a dit, ce n’est pas important, mais ces paroles m’ont fait plaisir. Le tout, pour me prouver qu'il ne s'est pas approché de moi avec de mauvaises intentions. Si c’était une tactique (ou ruse) de sa part, il a réussi. S’il était sincère, tant mieux. Mais je retourne étudier !Je suis “Pavlovienne”, au moins, matérialiste, croyant aux actions et réactions. Par exemple, je me sens mal à l'aise et bouleversée à cause de mon corps. J'ai des frissons, je suis nerveuse, mal à l’estomac - probablement mes règles vont arriver. Je me sens tellement réduite, ratatinée. Maintenant.

[1]Les lettres de Katinka de cette époque font comprendre le calvaire que celle-ci vivait.

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