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Je suis presque tombée amoureuse !

23 mars, 1948

Assez de ce faux semblant. Je commence dorénavant à écrire quelque chose de vrai dès le début jusqu’à la fin, vrai jusqu'à la plus petite marque. Mais d’abord je vais écrire ce que le monde doit savoir de LUI et honte à celle qui lit mon journal et tombe sur ces passages ! De toute façon, je n’ai pas peur de “Lui” nous sommes en vacances, acances, cances, ances, ces, es, s : jusqu’à lundi prochain il n'y a pas d'école. Nous sommes le mardi, il faudra que les œufs de Pâques soient peints pour dimanche, même si je ne crois pas que quelqu’un viendra m’arroser , hélas !

Tous croient que je suis amoureuse d'Emery parce je leur ai montré sa photo. C’est vrai qu’il est beau comme un jeune premier de cinéma, mais depuis qu’un jour je l’ai aperçu avec sa copine, je n’y pense même plus.

Un soir, j’ai rencontré chez les voisins un jeune garçon avec des cheveux bouclés, intelligent, et ‘poète’ de 20 ans. Un étudiant en littérature. Je suis presque tombée amoureuse ! En apprenant qu’il avait déjà une fiancée (il m’a montré même sa photo) l’attirance s’est terminée dans la minute. Je voudrais appartenir à un groupe de copains avec des garçons aussi intelligents, cultivés, et malgré tout ça joyeux, francs et simples. Bien sûr, ils ne m’ont pas acceptée, pour eux je suis encore “petite” (honte à celui qui lira cette page !) Pourtant, je suis déjà une « grande fille » hélas. Personne ne comprend ce “hélas”, pourtant un tas de problèmes arrivent en grandissant.

Nous allons avoir dans la famille un enfant grec, nous avons demandé que ce soit une fille d’environ quatre à six ans . Je l’aimerai comme une sœur.

Enfin, je fréquente de nouveau une école hongroise et ma moyenne est assez bonne : 16,54 / 20, j'essayerai de la monter au moins à 16,66 (pour arriver à celle de Ditta ). Il faudrait que j’aille visiter mon amie Marthe, elle aussi a peur de “LUI” pourtant c’est la fille la plus brillante que je connaisse – ce n’est pas sûr, mais peut-être (?) même plus intelligente que moi. .

L’article que je mettrai ici, paraîtra dans la revue Femmes Travailleuses, je l’ai rédigé avec l’aide de la mère d’Edith et maman l’a corrigé un peu pendant qu’elle l’a tapé. Son titre: “Nous avons commencé, continuez!

25 juin 1948

Je ne recopie pas l'article, depuis lors, quatre autres articles écrits par moi ont été publiés dans la même revue. Je suis dorénavant écrivain.

Je n’ai plus écrit dans ce cahier depuis trop de temps. J’ai terminé l’année scolaire, mais je ne connais pas encore ma moyenne. Maman et ma tante m’ont dit qu'il ne faut pas avoir peur de “LUI”. Donc je n’ai pas peur. J’espère devenir une journaliste ou un écrivain connu ! Peut-être, un jour je verrai même ce journal imprimé.

Je ne suis pas Amoureuse. J’ai encore le temps. Ditta et sa copine Jetty sont pleines de suffisance. Je me fiche ! Je sais que je suis plus intelligente, j’ai plus de charme et même une meilleure silhouette qu’elles - le reste ne m’intéresse pas.

J’écris ces lignes depuis la campagne, je suis chez Lisette pour quelque jours. Elle avait travaillé sept mois chez nous comme bonne, pendant qu'elle attendait le retour de son fiancé prisonnier en Russie et pour que sa famille ne l’oblige pas à se marier avec quelqu’un d’autre. Lisette m’a expliqué pendant notre promenade au cimetière depuis combien de temps leurs deux familles ont lutté (et même se sont tuées réciproquement) en m’expliquant pourquoi elle voulait mettre une fin à cette querelle une fois pour toutes et se marier avec son fiancé qu’elle aime, se marier malgré ses parents et bien qu’il refuse encore à cause de sa jambe perdue pendant la guerre.

Je viens d’apprendre deux superstitions (sans y croire), l’une dit : « Touche le bois. » Mais je m’en vais, envoyer un télégramme à maman “Bien voyagé, peu dormi. Sois pas abattue. J’arrive lundi. Julie.”

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